ça m'a pris pas mal de temps à faire ce texte, mais j'en suis assez contente :3
Bonne lecture !
Demande de Retour d'acide.
78- Islande & Seychelles – Un but dans la vie.
Jökull jouait avec les graines contenues dans son sachet, les oiseaux pépiant à ses pieds se gavant de celles déjà éparpillées sur le sol.
Il aimait bien passer du temps sur les côtes à le faire. Ça lui permettait de penser à autre chose et d'observer les oiseaux.
Cette fois, il avait laissé son attirail à la maison. Tant pis si l'achat du coûteux téléobjectif lui avait fait manger des flocons d'avoine pendant plusieurs mois, il n'avait vraiment pas envie de s'installer dans un coin et de mitrailler la faune et la flore.
C'était son métier et il avait reçu quelques prix et autres récompenses pour son travail, c'était une passion de l'enfance. Mais ces derniers temps, il traversait ce que son frère appellerait une « mauvaise passe » et il remettait en question son avenir.
Quand il était plus jeune, il s'était imaginé devenir un photographe célèbre, couvrir des reportages animaliers, ce genre de choses. Et maintenant ? Maintenant, il envisageait de prendre des cours du soir pour se réorienter. Mais même là, il ne savait pas dans quoi.
Il n'avait pas fait d'étincelle lors de ses études, hypnotisé par l'écran de son appareil photo à pellicules et l'infiniment petit. Il y avait peut-être bien la biologie où il avait des notes un peu meilleures, mais guère plus… Et des années plus tard, ça allait être encore moins brillant.
Abandonnant son sac de graines à ses pieds, Jökull se prit la tête dans les mains, se mordant les lèvres pour éviter de lâcher un geignement pitoyable qui lui brûlait la gorge.
Insensible à ses tourments, les oiseaux pillaient le sachet oublié, récupérant les graines qui leur étaient destinées, à peine dérangés par la présence humaine. Ils n'étaient pas ingrats mais profitaient juste de l'instant présent.
Il les observa avec envie, tout en sachant qu'il était bien moins à plaindre qu'eux, n'ayant pas à lutter pour se nourrir ou juste pour vivre un peu plus. Ses problèmes étaient bien dérisoires…
En traînant des pieds, il rentra dans son appartement où il jeta à peine un œil en direction de son matériel ou encore à ses photos affichées un peu partout à travers l'habitation. Les voix ne lui apportait plus ce sentiment de fierté ni celui de l'émerveillement. C'était… juste des images. Comme les souvenirs d'une vie antérieure.
Il se sentait tel un étranger dans l'appartement d'un autre, jugeant d'un œil morne les détails d'une vie dédiée à la photographie animalière.
Que de temps perdu et gâché.
Parfois, il ouvrait les yeux au réveil avec la folle idée que tout ça n'était qu'un rêve, qu'il avait toujours le feu sacré et qu'il foncerait attraper ses besaces pour passer la journée dans un coin boueux et ainsi retapisser ses murs.
Mais il repoussait les couvertures et posait les pieds au sol pour se rendre compte que ce n'était pas le cas.
Jökull avait consulté, bien sûr, inquiet de ce qui lui arrivait. Le mot qui revenait le plus souvent était « dépression ». Mais il n'était pas déprimé, bordel ! Il se posait juste des questions sur ses choix de vie, il avait bien le droit, non ?
Mais il y avait des moments où il fixait le bord des falaises, l'esprit vide, c'est vrai. Mais c'était juste des moments d'oubli, rien de plus.
Quand il se reprenait, il se secouait et rejoindrait le village à grands pas furieux et allait rendre visite à ses proches. Il n'avait sans doute jamais autant vu son frère que ces derniers mois. Et ce n'était pas ce dernier qui allait se plaindre, bien au contraire ! Lui qui se plaignait de ne jamais réussir à l'inviter.
Aujourd'hui, il resterait au village. À force de jouer les ermites, il le connaissait à peine, vivant presque en marge. Il était un étranger dans sa propre ville natale ! C'était affligeant…
C'est donc avec surprise qu'il découvrit les extensions, les nouveaux bâtiments et autres constructions. Depuis combien de temps était-il coupé du monde ?
Fatigué de marcher, il s'arrêta à un café pas trop bondé où il commanda un chocolat chaud pour se donner une contenance. En plus, il avait oublié ses gants… Ah non, il n'en avait pas, c'était gênant pour appuyer sur le déclencheur ! Eh bien, ça lui donnait une mission pour la journée…
-Votre commande, monsieur.
Il releva à peine le nez pour répondre mais ce fut juste suffisant pour apercevoir le sourire sincère de la jeune serveuse.
Malgré son uniforme et la grisaille l'environnant, elle souriait, unique couleur vive dans un café terne.
Machinalement, Jökull la remercia et ne la quitta des yeux qu'une fois sortit de son champ de vision.
Le cœur battant aux oreilles, il plongea sur sa tasse et se morigéna pour sa réaction stupide. Il n'était plus un adolescent, que diable !
Mais il put s'empêcher de revenir, souriant timidement à la jeune femme et passant des heures à essayer la carte. Jusqu'au jour où il se décida, prenant son courage à deux mains.
-Pourrais-je vous photographier, mademoiselle ?
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