J'avais oublié jusqu'à l'existence de ce couple, tiens, c'est marrant :3
Bonne lecture !
Demande de Vladamdam
76- Allemagne & Suède – Speed dating.
Les yeux fermement rivés sur la table à la propreté douteuse, Berwald jouait avec sa sucrette, son visage aussi peu expressif que d'habitude n'affichait aucunement l'ennui qui berçait son être et qui lui suggérait de quitter le lieu pour un autre bar où il pourrait se mettre la tête tellement à l'envers qu'il pouvait être persuadé de s'appeler « petite fleur ».
Berwald leva paresseusement les yeux lorsque la chaise en face de lui se remplit d'une nouvelle personne. Encore quelqu'un qu'il allait faire fuir avec les civilités d'usage.
Son ex le lui avait dit, pourtant, qu'il ne trouverait personne qui serait capable de passer outre son regard de tueur et son incapacité à articuler. Et que c'était pour ça qu'il le quittait et qu'il vivrait toujours seul.
Et c'était ça qui l'avait motivé à venir ici, aplatissant ses épis et nettoyant ses lunettes, tirant sur son col et arrangeant sa cravate.
-Bonjour.
-B'jour, marmonna-t-il.
Il tripotait la serviette en papier niaise avec tous ses cœurs roses.
-Vous… vous venez souvent à ces soirées ?
-Non.
Et il regrettait presque d'avoir changé d'habitude.
Sur son torse, ce badge ridicule semblait lui peser, tel un poids, celui de la honte, de l'humiliation. D'être seul et d'avoir été viré de ce qu'il pensait de ce qu'il pensait être son nouveau foyer d'amour. Mais il n'était pas sûr d'être le seul dans ce cas.
Il s'était inscrit à ce speed dating alors qu'il se trouvait au fond du gouffre et qu'il était tombé sur l'annonce proposant la rencontre avec l'âme-sœur. Il n'avait hésité que le temps d'une gorgée.
La sonnerie retentit une fois de plus et ce fut une autre personne qui se plaça devant lui.
Le bruit du verre le surprit, habitué au tintement léger des verres à pied ou du bruit sec de la porcelaine des tasses chaudes. Cette fois, le son était différent.
La curiosité lui fit relever le nez, d'autant plus lorsqu'il aperçut une carrure presque aussi costaude que la sienne.
En prenant le rendez-vous, il avait bien précisé son orientation sexuelle, histoire d'éviter des moments gênants d'outing, ce qui ne le gênait pas vraiment mais qui pouvait vite alourdir l'ambiance et sa conversation.
Donc, non, la présence de ce qu'il pourrait apparenter à un bear n'était pas pour le surprendre, mais il était sans doute le seul à boire de la bière, ce qui prouvait une certaine aise, vis-à-vis de l'opinion des gens.
Son badge indiquait qu'il s'appelait Ludwig. On voyait qu'il avait tenté d'écrire son nom, mais il avait dû avoir le même souci que lui, un patronyme trop long pour qu'il tienne sur ce bout de carton trop court.
Ils avaient sept minutes pour se présenter et découvrir si ils avaient quelques choses en commun. Espérons qu'il serait aussi volubile que le petit blond de tantôt, parce qu'il n'était lui même pas très bavard.
-B'jour.
-Bonjour.
Finalement, ils n'échangèrent que peu de morts durant le temps imparti, mais le silence n'était pas gênant, pour une fois, ça changeait de ceux qui se trémoussaient, mal à l'aise, sous son regard neutre et effrayant. C'était le silence de deux personnes sachant l'apprécier à sa juste valeur.
Puis la sonnette retentit de nouveau et son vis-à-vis changea, occupant l'espace avec une discussion décousue, ponctuée de mots étrangers. Un contraste suffisamment saisissant avec le précédant pour le faire sortir de ses pensées assez violemment et l'égarer.
Lorsqu'il put s'extirper de la table et remettre son manteau, Berwald ne se sentait pas plus avancé dans sa vie sentimentale que lorsqu'il était entré dans le bar et qu'il s'était accroché ce fichu badge sur sa poitrine.
Il décida d'aller dans un vrai bar pour penser à autre chose et faire passer le goût atroce du café dont il s'était abreuvé toute la soirée pour s'occuper les mains et se donner une contenance.
C'est sûr qu'on n'allait pas lui donner un marteau, des clous et des planches…
Alors qu'il s'installait devant un verre, saluant les habitués, un bref sourire passa sur son visage. C'est ainsi qu'il préférait sa soirée. Il ne lui manquait qu'un bon livre et un feu de cheminée, mais il ne fallait pas trop en demander.
-Une bière, bitten, demanda-t-on à sa gauche.
Avec étonnement, les deux hommes se dévisagèrent, reconnaissant celui qui lui faisait face, tantôt au speed dating. C'était un peu contre les règles, mais ils n'allaient pas non plus briser leurs habitudes pour un comité qui n'en saura jamais rien.
Ils se saluèrent d'un mouvement de la tête puis s'abîmèrent dans la contemplation de leurs boissons respectives, chacun dans son petit cocon de confort. Pourquoi en sortir ? Autant y rester encore un peu.
Il sera toujours temps de s'adresser la parole, d'en découvrir un peu plus, sortit des règles des datings qui limitait malgré tout.
Il sera toujours temps de découvrir qu'ils étaient faits l'un pour l'autre, qu'ils avaient des points communs et des désaccords. Qu'ils étaient deux gros bisounours, un peu fleur bleue, cherchant après l'amour telle des jouvencelles, amoureux des animaux et des promenades dans la forêt, rester dehors pour admirer le ciel étoilé la nuit. Qu'ils préféraient le chocolat chaud au café, la bière au vin, et les vieux T-shirts à la place des chemises, même si elles leurs vont très bien et leurs donnent un certain charme.
Mais laissons ces deux âmes s'en rendre compte tout seul. Peut-être que cela sera toujours plus agréable que lors d'un dating ?
Voracity666